Entrevue avec Stefan Jonasson, 3e partie

Image offerte par Stefan Jonasson
Audio : Extrait d’une entrevue avec Stefan Jonasson, réalisée par Katrin Nielsdottir le 26 février 2025
Durée de l’extrait audio : 4:57
Transcription audio :
Stefan : Comme je l’ai mentionné, à l’origine, les journaux publiaient toutes les nouvelles qui pouvaient intéresser les Nord-Américains d’origine islandaise, en langue islandaise, afin que la communauté islandaise de l’Amérique du Nord soit bien informée. Et j’irais jusqu’à dire qu’une des raisons de l’intégration très précoce des Islandais dans la vie publique du Manitoba et du Dakota du Nord, du Minnesota, de l’État de Washington, de la Saskatchewan, partout où les Islandais se sont installés… une des principales raisons pour lesquelles ils se sont intégrés si rapidement dans la vie publique et ont commencé à se porter candidats aux élections et à devenir dirigeants non seulement de la communauté islandaise, mais généralement des communautés dans lesquelles ils vivaient, c’est le fait qu’ils étaient bien informés par les journaux islandais.
Je pense qu’il est également important de savoir que les dirigeants de la communauté islandaise avaient très tôt des compétences linguistiques impeccables en anglais. Les principaux dirigeants de la communauté islandaise, ayant eu l’occasion de lire les écrits anglais du révérend Jón Bjarnason et du révérend Björn Pétursson, ayant fait l’expérience des réalités que Sigtryggur Jónasson et Baldvin L. Baldvinsson avaient décrites ou écrites en anglais, il est très évident que ces dirigeants étaient parfaitement bilingues et qu’ils écrivaient sans doute mieux en anglais que la plupart des anglophones de leur époque. Ainsi, ils ont pu traduire vers l’islandais, au profit de leurs lecteurs, ce qui se passait dans le monde anglophone et au-delà. C’était là, je pense, un aspect central de la mission des journaux islandais. Cela permettait également aux Islandais de continuer à s’exprimer en langue islandaise s’ils préféraient le faire ou s’ils croyaient ne pas pouvoir s’exprimer par écrit en anglais. Ainsi, les journaux offraient un débouché aux auteurs islandais.
Mais certainement, les journaux ont permis à cette première génération de continuer à vivre la langue islandaise, tant à l’oral qu’à l’écrit. Pour la deuxième génération qui, de façon générale, a grandi en parlant l’islandais et a appris l’anglais dans le cadre du système scolaire public, les journaux islandais sont devenus un moyen de suivre l’actualité dans une langue seconde et de réellement favoriser leur bilinguisme. Ainsi, même si ces gens se servaient principalement de l’anglais au travail, ils pouvaient continuer à lire les nouvelles et les contributions littéraires dans la langue qu’ils avaient apprise dans leur enfance. Dans la mesure où Heimskringla et Lögberg étaient des publications imprimées ici en Amérique du Nord et qu’elles avaient donc une saveur plus nord-américaine, je pense qu’elles étaient relativement attrayantes pour la deuxième génération d’Islandais en termes de suivi des sujets islandais et de maintien de leur maîtrise de l’islandais. Ces publications allaient même jusqu’à renforcer leurs compétences en écriture dans la langue.
Quand on arrive à la troisième génération, la relation avec la langue islandaise est davantage passive. C’était aussi une génération où bien des gens parlaient l’islandais à la maison, jusqu’à ce qu’ils commencent l’école. L’anglais est ensuite devenu leur langue principale. Cette génération était moins susceptible de pouvoir écrire l’islandais sans craindre que la police de la grammaire ne s’abatte sur elle. Mais les gens pouvaient toujours lire l’islandais suffisamment bien. Et donc, une fois de plus, la façon dont le journal bénéficiait à la communauté islandaise s’est transformée.