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Une radicalisation du mouvement patriote s'opère à l'été 1837 dans le comté des Deux-Montagnes. L'apparition du charivari politique n'est évidemment pas étrangère à cette escalade de violence. Remettons-nous en contexte. Selon Gilles Laporte, « en France comme dans la Vallée du Saint-Laurent, un charivari se produit traditionnellement lors du mariage d'un couple mal assorti ». Dans le contexte politique de 1837, le charivari est récupéré à des fins politiques et partisanes par les patriotes les plus radicaux et destiné à l'endroit de tout adversaire loyaliste qui refuse d'aider ou de supporter la cause patriote. Il s'agit le plus souvent de juges de paix et d'officiers de milice demeurés fidèles à la Couronne britannique. La manoeuvre consiste la plupart du temps à du tapage nocturne bien orchestré, à quelques carreaux de fenêtres brisés et aux jardins et pâturages saccagés. Ces gestes d'intimidation ne traversent généralement pas la frontière qui sépare les dommages matériels de la violence physique directe.
Deux-Montagnes est l'un des trois comtés bas-canadiens les plus touchés avec l'Acadie et Richelieu en 1837 par ces actes de déprédation. Plusieurs anglophones, membres du clan seigneurial, ou enfin, simples cultivateurs canadiens-français, s'affichent ouvertement en faveur des constitutionnels. Relatons ici les cas les plus significatifs dont ceux de Robert Hall, Eustache Cheval dit Saint-Jacques, Hortense Globensky et finalement Marie-Louise Lafontaine dont le témoignage demeure inédit jusqu'à ce jour.
Le cas type d'un anglophone : Robert Hall
Robert Hall est un cultivateur de Sainte-Scholastique. Dans la nuit du 28 juin 1837, il reçoit chez lui la visite de quatre hommes dirigés par John C. Hawley, un patriote anglophone de la même paroisse. On lui reproche de ne pas vouloir joindre les rangs des insurgés et de ne point vouloir signer une pétition. Hall affirme dans une déposition que « la porte de sa maison a été enfoncée et l'une de ses fenêtres fracassée en miettes avec des pierres ». Il confesse aussi que « l'une de celles-ci pesant environ cinq livres est tombée tout près de l'un de ses jeunes enfants qui dormait dans une couchette sur le sol ». De plus, une partie de ses clôtures sont jetées par terre et détruites, ses récoltes laissées vacantes aux bêtes, tandis que ses chevaux ont la crinière et la queue rasées à tel point qu'ils sont à peine utilisables ; lorsqu'il voyage avec eux, les gens se moquent de lui !
« L'affaire Cheval »
Eustache Cheval dit Saint-Jacques est pour sa part un cultivateur du Petit-Brûlé dans la paroisse de Saint-Eustache. Témoignant de la tenue de plusieurs rassemblements patriotes, il s'attire rapidement les foudres des patriotes les plus radicaux. Au début de juillet 1837, Cheval est mis au courant de la venue d'un groupe d'hommes à son domicile. Il prépare donc sa résistance en compagnie de son frère Joseph et de quatre amis. Au milieu de la nuit, le groupe aperçoit des maraudeurs non loin de son étable qui sont néanmoins rapidement chassés. Ce n'est que plus tard qu'une balle fracasse une fenêtre de sa maison ; les éclats de verre blessent d'ailleurs une de ses filles. Dès le lendemain, les deux frères se rendent à Montréal afin de se plaindre aux autorités. Le 29 novembre suivant, le pauvre Cheval est de nouveau victime de représailles. En effet, une soixantaine d'hommes arrivent en trombe chez lui, fouillant sa maison de fond en comble, tout en renversant les lits. Après l'aventure, Cheval accuse un certain Basile Farmer « de l'avoir menacé de l'éventrer et de le manger ».
À la suite des charivaris de Hall et Cheval, l'adjoint du procureur général du Bas-Canada ordonne l'arrestation des quatre individus identifiés par Hall. Le 18 juillet, il offre 100£ de récompense à quiconque lui fournira des renseignements menant à l'identification, puis à l'arrestation des agresseurs de Cheval. Mais déjà le 13 juillet précédent, le grand connétable de police Benjamin Delisle, accompagné de l'adjoint du shérif Édouard-Louis-Antoine Duchesnay, ainsi qu'un sergent et deux hommes de police, quittent Montréal avec des mandats d'arrêts. À Saint-Eustache, ils mettent la main sur une dénommé François Labelle. Une foule imposante et dangereuse, armée de bâtons, se rassemble sur les lieux afin libérer le prisonnier. Devant l'imminence d'un affrontement inégal, la brigade policière quitte Rivière-du-Chêne avec un seul captif. Le même jour, deux huissiers montréalais arrivent à Saint-Benoît afin de placarder des affiches concernant « l'affaire Cheval ». À l'auberge de Louis Coursolles, ils sont reçus violemment par le propriétaire de l'endroit et le docteur Luc-Hyacinthe Masson.
Le cas de la « chevalière des Deux-Montagnes »
Soeur cadette des frères Frédéric-Eugène, Hubert et Maximilien Globensky, Hortense Globensky est alors âgée de 32 ans et réside dans la paroisse de Sainte-Scholastique. La « Nouvelle Jeanne-d'Arc », comme la surnomme ironiquement La Minerve, s'implique énormément dans le clan bureaucrate à la veille des événements de 1837 dans le comté des Deux-Montagnes, à un point tel que ses adversaires tentent de le lui faire « payer ». C'est ainsi que le 6 juillet 1837, on vient la prévenir qu'un groupe de rebelles est en route dans le but de venir saccager sa maison. Refusant de quitter sa demeure, elle attend les charivaristes armée de tout l'attirail qu'elle peut trouver. À l'arrivée de la bande, elle leur braque son artillerie et menace de tirer. La troupe fait marche arrière. Elle reçoit plus tard 500£ en guise de présent de la part du gouverneur Charles Poulett Thomson.
Une histoire inédite à Saint-Benoît
Le cas de Marie-Louise Lafontaine est quelque peu particulier puisque provenant d'une déposition relativement inédite. Cette résidente de Saint-Benoît réalise ce témoignage le 25 septembre 1837. Dans la nuit du 17 au 18 juillet 1837, entre minuit et 2 heures du matin, la déposante affirme avoir entendu un coup de feu à l'extérieur de sa maison, la tirant alors de son sommeil. Elle accuse quelques insurgés de sa paroisse d'avoir tenté, non seulement d'abattre son chien (le coup de feu atteignant la maison), mais aussi d'assaillir et de briser sa maison « avec force et armes ». Armés entre autres d'instruments aratoires, les individus en question vandalisent une des fenêtres de la résidence. En l'absence de son mari, la victime appelle de l'aide en son « gardien de maison » qui se réveille aussitôt. Voyant que la dame Lafontaine n'est pas seule chez elle, les maraudeurs quittent subitement les lieux.
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Déposition de Gabriel Lefebvre
25 January 1838
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Billet de la Banque de Peuple
1836
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Sou patriote en 1837
1837
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Bon de marchand
26 August 1837